World Vision, en collaboration avec ses partenaires, a organisé ce mercredi 23 octobre 2024, une conférence-débat autour du thème : «Ensemble, éliminons le harcèlement sexuel dans nos écoles». Au cours des discussions, les intervenants ont plaidé en faveur d'un cadre d'apprentissage sécurisant pour les enfants.
Le harcèlement en milieu scolaire devient de plus en plus monnaie courante en Haïti. Il est asocial et asexué, et se pratique sous différentes formes, comme le cyberharcèlement, les attouchements et les commentaires sexistes. Les prédateurs font parfois partie du personnel administratif, du corps professoral, du petit personnel ou des petits commerçants, selon les résultats d'une enquête réalisée par l'équipe de L'Enquêt'Action.
Selon l'un des intervenants, Jeff Mackenley Garçon, le harcèlement en milieu scolaire concerne beaucoup plus les filles que les garçons, qui sont souvent perçues comme des objets sexuels, destinés à satisfaire les désirs des agresseurs. Certains enseignants proposent des cours de compensation pour combler les lacunes des apprenants en échange d'actes sexuels, d'autres, pour arrondir les notes des élèves, les invitent à coucher avec eux.
En conséquence, certains élèves abandonnent les milieux scolaires pour ne plus se faire harceler, ce qui produit souvent un décrochage scolaire. Les victimes, après avoir cédé aux harcèlements, tombent enceintes et sont contraintes de procéder à des avortements forcés, ce qui met leur vie en péril. « Beaucoup témoignent d'avoir failli perdre la vie lors des avortements », a lancé M. Garçon.
Ces pratiques sont souvent banalisées par les parents et les administrations des établissements scolaires, qui se rendent complices des agresseurs ou qui en font partie. « Les directeurs, sous prétexte de performance, préfèrent garder le silence. Les parents, sur la base de croyances religieuses, décident de marier leurs enfants avec les violeurs, et les victimes arrêtent leurs études. On assiste à une culture d'impunité où les coupables ne sont jamais interrogés ni même sanctionnés », a-t-il déclaré.
Les responsables de World Vision critiquent l'indifférence des membres de la population face à ces dérives, qui mettent en danger de nombreux mineurs, qui, au lieu d'être protégés, sont culpabilisés et tenus pour responsables. « Il faut arrêter de se plaindre. Les enfants doivent se sentir dans un espace ou un pays protégé. On ne doit plus normaliser ce type de violence. On assiste, on regarde, on accuse tout le monde, on tient l'autre pour responsable, et personne ne prend de décision. Nous devons contribuer à changer cette situation », a martelé le président de World Vision Haïti.
De son côté, Andrinette Cadet, membre de l'ENPAK, a relaté les conséquences néfastes de cette pratique sur le plan éducatif, qui produit un manque de concentration à l'école, diminue la performance scolaire et l'envie d'y aller. Sur le plan psycho-sanitaire, les victimes vivent dans une peur constante, développent des troubles émotionnels, des tendances suicidaires, de la dépression nerveuse, une perte d'appétit, de l'hypertension artérielle, et cette pratique réduit l'impact de l'avancement de l'autonomisation des femmes.
Elle recommande des actions concrètes avec l'appui de tous les acteurs concernés pour prévenir ce genre d'abus. Ces mesures doivent passer par un programme éducatif adapté pour savoir si les professeurs n'ont pas eux-mêmes été victimes, et apprendre aux enfants à fixer des limites dès leur plus jeune âge. Elle plaide également pour la création d'un protocole de protection clair, adapté avec la participation d'un comité de protection des enfants incluant les parents, ainsi que des procédures pour signaler les incidents de harcèlement, tout en créant des environnements sécurisants pour que les enfants puissent s'exprimer librement sans craindre de représailles.
La représentante du ministère de l'Éducation nationale et de la Formation professionnelle, présente à cet échange, Amente Désinor, a annoncé une panoplie de mesures pour prévenir et combattre ce fléau dans le milieu scolaire. Elle a indiqué que le ministère envisage de créer une unité de genre pour promouvoir les bonnes pratiques dans les établissements, en instaurant une cartographie des acteurs intervenant dans la lutte contre les différentes formes de violences dans les écoles et en mettant en place un code de protection contre ce genre de pratiques.
Sheelove Semexant